Les adieux à Patrick Dupond

Pour dire adieu au plus brillant danseur étoile de sa génération, au maître qui avait créé une académie de danse, où il leur transmettait son art, ses élèves, habillés et masqués de noir, les larmes aux yeux, tenaient une rose blanche à la main. C’était le 10 mars 2021, en l’église Saint-Roch de Paris, la paroisse des artistes.

À hauteur d’homme, la façade conserve d’étranges blessures.
C’était le 13 Vendémiaire an IV (5 octobre 1795). Une insurrection royaliste menaçait la Convention. La rue était bouclée. Il y avait des canons. Bonaparte a commandé le feu aux canonniers. Moins d’une heure plus tard, trois cents corps jonchaient les marches de Saint-Roch.


Une maladie, qu’il a gardée secrète, une de celles qui ne pardonnent pas et vous prennent la vie dans les souffrances, a jeté par terre une étoile qui, jamais, ne cessait de se relever. Cette fois, il ne pourra pas. S’il vous en vient des larmes aux yeux, laissez-les déborder et pleurez tant de beauté qu’il emporte avec lui.

Après un accident d’auto qui l’avait réduit en morceaux, après dix-sept heures d’opération pour réduire ses fractures, au chirurgien qui lui annonçait qu’il pourrait remarcher, mais pas danser, Patrick Dupond a répondu : « Je danserai ! » Avec des os recollés en cent-trente-quatre endroits, avec un visage sculpté par la souffrance et la lumière de la passion pour son art, il dansait.
Lorsqu’il a été forcé de fermer son académie, pour cause de Covid-19, il a trouvé un autre lieu pour les recevoir, lui et ses élèves, et il a dit : « Ce n’est pas le confinement, ce n’est pas la Covid qui vont m’empêcher de danser. »

Ne posez pas de question. Ne demandez pas où il danse maintenant. S’il est dans votre cœur, vous savez que c’est là qu’il continue ses entrechats, ses pirouettes, ses fouettés, ses grands jetés…

© Jacqueline Dauxois

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