Aleksandra Kurzak de l’ouverture de la Scala au récital du 11 avril 2021, nos solitudes

DE L’OUVERTURE DE LA SCALA AU RÉCITAL D’ALEKSANDRA KURZAK

En pleine tempête covid, le 7 décembre 2020, la Scala a fait de sa traditionnelle ouverture, un événement mondial, mettant en scène une pléiade d’artistes qui se sont succédés devant une salle dramatiquement vide. Le nom donné au spectacle : A riveder le stelle, « pour revoir nos étoiles » sonnait comme un défi à l’étranglement programmé de la culture. On a entendu, cette nuit-là, l’un après l’autre, Aleksandra Kurzak, et ensuite Roberto Alagna qui, dans le lamento de Mario, nous a déchiré l’âme. Nous espérions les retrouver tous les deux dans Tosca à l’Opéra de Paris, en mai 2021.

LE RÉCITAL DU 11 AVRIL 2021

Les places pour Tosca viennent d’être remboursées et, le 11 avril 2021, la Scala est toujours vide lorsque Aleksandra Kurzak fait de nouveau son entrée sur cette scène où elle a triomphé dans Gilda la première fois qu’elle s’y est produite, où elle a été une exquise Suzanne et, où plus tard, devant un public que la mise en scène consternait ou rendait tumultueux, elle a sauvé Le Comte Ory.

NOS SOLITUDES

Pour son récital du 11 avril 2021 tout semble comme d’habitude. Rien n’est pareil. Personne ne s’habitue. La longue robe printanière de la soprano veut tenir tête aux oukases qui s’abattent la culture mondialement en berne, mais au fil des airs (Chopin, Schumann, Brahms, Chopin encore et Pauline Viardot, Tchaikovsly), l’étau du vide et du silence ne se desserre pas.

D’un chant qui s’enchaîne à un autre sans que les applaudissement retentissent, s’étale un glacis de silence, auquel personne ne s’habituera jamais et qui devient plus lourd à mesure que passent les semaines. La soprano chante, les yeux baissées sur la partition, évitant d’évaluer la pesanteur de l’absence. Séduits par la beauté du programme et l’élégance de sa voix dont les couleurs se révèlent, pétrifiés par un élan vers elle qui ne peut s’exprimer, les spectateurs sont incapables de reprendre pied dans une réalité qui ne soit déchirante. Quel courage, il faut aux artistes qui acceptent de se produire pour nous dans ces conditions – et plus le temps passe, plus il leur en faut.
Aleksandra Kurzak affronte ce vide qui vient de la salle et des coulisses, elles aussi réduites au mode survie – même si Dominique Meyer est là, dans un pli de rideau. Ayant donné le plus limpide et le plus émouvant de son chant, lorsqu’elle s’incline devant les fauteuils vides, l’air d’une voile dérivant dans le calme plat de l’absence, le regard un peu perdu, elle tente peut-être de se représenter ses spectateurs éparpillés dans leurs maisons.
Et nous regardions nos mains inertes, incapables d’applaudir un écran.

© Jacqueline Dauxois

Les illustrations sont des captations faites pendant la retransmission du concert.

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