Arena de Vérone : Aleksandra Kurzak dans Cavallerie Rusticana : une révélation


ALEKSANDRA KURZAK DANS CAVALLERIA RUSTICANA, UNE RÉVÉLATION

Le 31 juillet 2021, le couple le plus radieux de la scène lyrique a remporté un triomphe dans « Cavalleria Rusticana » et « Pagliacci ». Le public a trépigné, crié et réclamé un bis (il n’en chante jamais depuis le jour où il a vu l’angoisse d’une partenaire qui attendait qu’il eut fini) à Roberto Alagna après son « Recitar…ridi Pagliacci ». L’incomparable richesse qu’Alagna donne à Turridu et Canio, et qu’il renouvelle chaque fois, n’est pas une surprise.

La surprise est venue d’Aleksandra Kurzak, en Santuzza, pour la première fois dans la version opératique de l’oeuvre.On a vu que le personnage est ingrat, une femme que son amant a promis d’épouser bien qu’il en aime une autre, (Lola, qui lui était promise mais qui s’est mariée pendant qu’il était à l’armée). Jalouse Santuzza dénonce Turridu au mari, sachant qu’il sera assassiné. Récrimineuse (non sans raison), elle le contraint à mentir et le fait tuer alors qu’avant d’aller se battre dans ce qu’il croit un combat loyal, il ne cherche qu’à la protéger en la confiant à sa mère, Mamma Lucia. Cette sorte de femme revendicatrice pendue aux basques d’un amant qu’elle tourmente, n’a rien pour séduire.Aleksandra Kurzak place son personnage dans une perspective romanesque et vocale où tout est changé. De la mégère, elle fait une amoureuse et sa dénonciation, dont elle se repend aussitôt, placée dans la continuité de son amour, devient le fruit d’une tendresse que la jalousie a dévoyée.

De la même manière que Roberto Alagna transfigurait Otello, d’un jaloux furieux, en un amant qui tue comme on se tue, Aleksandra Kurzak transfigure Santuzza sans jamais surjouer, de son timbre fluide, rayonnant et profond s’allie à celui, resplendissant de lumière, d’ampleur et de souplesse de Roberto Alagna.Le travail qu’elle a fait sur Santuzza et l’aboutissement auquel elle parvient confirme que si deux chanteurs devaient être ensemble sur une scène c’est Aleksandra Kurzak et Roberto Alagna.Hier soir, à l’Arena, les spectateurs ont connu grâce à eux, un grand moment d’opéra, une des ces nuits qui vous transportent au milieu d’un ciel crépitant dans le sillage de deux étoiles qui vont à l’amble.

©Jacqueline Dauxois

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