Rigoletto : Ludovic Tézier et Nadine Sierra, le couple père/fille idéal. Paris Opéra Bastille, novembre 2021.

Rigoletto, c’est l’histoire d’une malédiction inspirée par le texte à scandale de Victor Hugo, Le roi s’amuse« , transposé par le librettiste de Verdi, Francesco Maria Piave, de la Cour de François 1er à celle du duc de Mantoue.

Rigoletto est un bossu qui déteste son métier et le cache à Gilda, sa fille qu’il adore et garde à la maison la faisant surveiller. À la Cour, le bouffon fait son métier et se moque d’un père, le comte de Monterone, qui demande justice après l’enlèvement et le viol de sa fille. Lorsque le père déshonoré, est arrêté, il maudit le bouffon. Impressionné par cette malédiction Rigoletto n’est plus le même. Dans la nuit, il rencontre un tueur qui lui propose ses services. Il le renvoie avant de tomber sur la bande des courtisans qui lui propose d’enlever pour le duc la comtesse Ceprano. Il accepte et tombe dans le piège : Les courtisans croient lui voler sa maîtresse, mais c’est Gilda, sa fille qu’ils enlèvent par erreur tandis que Rigoletto, mystifié, leur tient l’échelle.

La malédiction est en marche.

Gilda avoue son amour à son père décidé à se venger. Si vendetta, tremenda vendetta d’une manière terrible. Il a cru mettre sa fille en sûreté, et organise l’assassinat du duc avec le tueur à gages. Mais Gilda, qui a tout entendu, se sacrifie et se fait tuer à la place du duc, qui a bafoué son amour, elle le sait, mais la force de sa passion pour un séducteur sur lequel elle n’a plus aucune illusion, est invincible. Sans lui, la vie ne l’intéresse plus, elle meurt en le sauvant. Rigoletto découvre sa fille dans le sac qui aurait dû contenir le cadavre du duc.Rigoletto passe pour l’un des plus beaux rôles de baryton. Ludovic Tézier en fait la démonstration.

Loin de donner un personnage de bouffon expressionniste grimaçant, il campe un Rigoletto sobre, aux passion intériorisées dans lequel le grotesque n’affleure que pour révéler la déchirante humanité d’un homme que tout retient dans des chaînes et qui va provoquer la mort du seul être qu’il aime. La noblesse et la grandeur sont les clefs de voûte de son personnage, détruit par la malédiction et la culpabilité, dressé par son métier à flatter les vices de son maitre sans rien laisser paraitre de ses propres sentiments. Sous le masque du bouffon (que la mise en scène lui fait porter plus qu’il n’est nécessaire), des regards fulgurent de désespoir lorsqu’il est frappé à travers sa fille qui subit le sort que celle dont il raillait le père humilié.

Nadine Sierra, dont les qualités répondent aux siennes en contrastant avec elles, forme avec lui le couple père/fille idéa

Physiquement et vocalement, Ludovic Tézier incarne la puissance et la force ténébreuse, l’image paternelle qu’il veut donner à Gilda en lui cachant son métier et aussi, comme il fait un ange de sa femme disparue, il idéalise sa fille et la désincarne, pour la protéger, l’aimer davantage et il sera incapable de comprendre quelle force l’habite et de quel amour elle est capable.

En face de cette puissance virile, la Gilda de Nadine Sierra, d’une éclatante beauté, au chant fluide, d’une telle facilité, est la grâce, la féminité, la sensualité, l’éclosion de l’amour avant de devenir l’expression de l’amour désespéré, de se livrer, et de mourir à la place d’un amant cynique et volage. Leurs deux voix s’allient dans un accord parfait lui sombre, puissant, tragique, elle lumineuse et voluptueuse.

L’attraction qu’exercent Ludovic Tézier et Nadine Sierra, la perfection de leur jeu et de leur chant, si alliés l’un à l’autre, repousse au second plan des partenaires (le duc, Dmitry Korchak et Sparafucile, Goderdzi Janelidze, cependant d’un très haut niveau.

Photos ©Jacqueline Dauxois, le 7 novembre 2021 à L’Opéra de Paris Bastille ; sur l’une des photos Ludovic Tézier est avec Godrdzi Janelidze en Sparafucile.

© Jacqueline Dauxois

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