Patrick Besson « Scènes de ma vie privée », roman, (Grasset)

 

S’il n’avait pas tant d’humour et d’esprit, ce ne serait pas lui. Cette fois, avant d’ouvrir son livre (Grasset), il tire la première fusée du feu d’artifice Besson. Sous le titre « Scènes de ma vie privée », on lit « roman ». Dans un livre, où on ne devrait pas rire étant donné le sujet, comment s’en empêcher quand ce joueur avec les mots se surpasse comme s’il voulait cacher ce qu’il proclame à longueur de pages : le désespoir de n’être plus aimé. C’est son sujet, Werther douloureux, Werther qui a l’âge d’être le père de Werther, qui souffre du même mal d’amour que son fils qui, lui, à l’âge du héros de Goethe, livre d’une génération d’hommes perdus, quinquagénaires, sexagénaires si fidèles à eux-mêmes qu’après un premier mariage, contracté à vingt-cinq ans, qui a duré qui a duré ving-cinq ans, ils recommencent, toujours pareil, avec une femme qui, toujours, a vingt-cinq ans. Mais eux ne les ont plus. « Eux », parce qu’en contre point des scènes de sa vie privée, l’auteur raconte les mariages parallèles de quelques amis du monde littéraire et artistique parisien qui est le sien. Pour se sentir moins seul dans une aventure qui peut finir très mal. Il pose la question et la retourne de tous les côtés de l’enfant, l’enfant qui préexiste à ces nouvelles noces et/ou celui va ou ne va pas venir, voulu ou refusé.

Lui, il est quitté après trois ans de bonheur. Ce n’est pourtant pas le roman d’une rupture, qu’il nous livre, c’est celui de l’après, dans les braises ardentes de tout ce qui, dans un amour passionné, refuse de périr. Parce que, s‘il est une chose qui ne vieillit pas dans l’être humain, c’est le cœur. À soixante ans, ce dérangeant organe est capable de tourmenter son propriétaire comme à quinze.

Contrairement à son ami d’enfance, le musicien, le narrateur des « Scènes » ne se suicide pas, il reprend pied dans sa vie, une autre et la même, il la contemple avec le même regard doux amer, piquant d’humour, moqueur parfois, où à chaque page il laisse trainer une ou deux phrases qu’on aimerait citer, mais alors il faudrait recopier la moitié du roman en une avalanche de citations à désespérer les penseurs professionnels, quand à Patrick Besson ce coup au cœur est un coup de jeunesse parce qu’en réalité ce n’est pas seulement un roman qu’il sort à cette rentrée, c’est trois livres coup sur coup, ce roman de sa vie privée, un texte sur « Jokovitch le refus » (Louison éd.) qui lui a tout de même valu d’être reçu par le président de la Serbie et en janvier : « Est-ce ainsi que les hommes vivent » (Albin Michel), un recueil de ses chroniques hebdomadaires. C’est ça vieillir ?

Sensible et attachant, émouvant, triste et drôle, un Besson mémorable.

©Jacqueline Dauxois

Une réflexion sur “ Patrick Besson « Scènes de ma vie privée », roman, (Grasset)

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