Après Samson et Dalila, avec Elīna Garanča, qui a ouvert la saison du Met, Roberto Alagna reprend Carmen pour neuf représentations, les 9, 12, 17, 21, 26, 29 janvier et les 2, 5, et 8 février avec Clémetine Margaine, dans le rôle titre, et Aleksanda Kurzak, Micaëla, dans la mise en scène classique de Richard Eyre.

Pendant ce temps, à Paris, le 12 janvier 2019, Nadine Sierra, soprano américaine, née d’un père portugais et d’une mère italo-portugaise, donne un concert (les Grandes voix) au Théâtre des Champs-Elysées. On ne l’a pas encore entendue en France dans Lucia di Lamermoor, mais en 2017, à l’Opéra de Paris et à Orange, elle a été une exceptionnelle Gilda.
Elle entre en scène ce soir-là, plus radieuse qu’à La Fenice où elle a chanté le concert de fin d’année. Elle porte un seul bijou, des boucles d’oreilles. Ses cheveux bruns attachés en chignon libèrent la ligne du cou. Une robe d’or surligne une silhouette au décolleté voluptueux, aux bras délicats et aux mains fines.

Sa voix de moire et de velours parcourt toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, s’élance avec tant de facilité dans les passages les plus difficiles qu’on se demande quand elle respire ; on ne la voit que chanter, tenir les notes, les lancer, les projeter, les suspendre et, comme dans Chagall, elle vole et s’envole avec la musique, toute entière investie sans que jamais grimace ne déforme ses traits.
Son jeu de tragédienne duplique son chant ; même quand elle ne chante pas, en attendant le début de son air, elle habite son personnage et le fait vivre avec intelligence et sensibilité.


Son premier air, le « Je veux vivre » de Juliette, s’achève dans un tourbillon étourdissant.
Dans celui de la folie de Lucia, avec lequel elle termine son programme, loin de faire entendre un exercice de vocalises de haute voltige qui pourrait s’achever un peu plus tôt un peu plus tard sans que le public en éprouve de désagrément, elle révèle, avec une vérité et une passion, qui la rendent passionnante, les ravages de la démence qui brise le cœur de Lucia.

Avec sa sensualité et son charme latins, avec une sincérité venue du fond de l’être, elle emporte son public du bonheur à la tragédie, de la tendresse à l’humour, créant d’emblée une relation d’amour avec la salle qui a fait une ovation debout à une jeune chanteuse qui manifeste les qualités auxquelles se reconnaissent les grands.
© texte et photos Jacqueline Dauxois

Au programme (ci-dessus), Nadine Sierra a jouté un bis : « O, mio babbino caro ».
On retrouve les qualités de J. Dauxois: nous donner envie de voir,d’entendre, de lire ce dont elle nous parle .