Même si le roman que Nicolas Saudray consacre à « La Grande déportation des chiens » (éditions Michel de Maule) n’évoquait pas un précédent massacre d’Arméniens, qui pourrait s’empêcher d’évoquer les génocides qui vont lui succéder ? De penser que la solution finale un moment envisagée pour se débarrasser des chiens d’Istanbul fut le banc d’essai pour celles qui frappèrent les hommes tout le long d’un siècle de carnages où périrent des millions et des millions d’êtres humains sur toute la terre ?
En 1967, Joseph Kessel écrit « Les Cavaliers », roman épique barbare et foisonnant, publié par Gallimard. On lit d’un trait les cinq cents quarante-six pages de ce roman du courage incandescent et des ravages de la trahison, dont les héros sont un cavalier et un cheval de légende, Jehol, « le cheval fou », si étroitement soudés l’un à l’autre que leur vies mêmes sont liées. Mais ce centaure dépasse tout ce que l’Antiquité avait imaginé, le cavalier, Ouroz, dans une course à l’abîme qui est tout le sujet du livre, s’est fait scier une jambe gangrénée qui l’aurait conduit à la mort.
Le concert d’Anna Netrebko, en février 2021, s’inscrit dans la série de récitals « Met Stars live » (Metropolitan Opera de New York), où on a entendu, entre autres artistes, Roberto Alagna chanter cet été du haut de la terrasse de la Chèvre d’Or, à Èze, avec sa femme Aleksandra Kurzak, devant le soleil qui plongeait dans la mer.
Le 11 juillet 2020, alors que les mesures destinées à circonscrire la covid-19 assassinaient la culture, fermaient jardins, librairies, disquaires, musées, cinémas, théâtres et Opéras comme non essentiels, nous traitant tous, non en personnes, mais en tubes digestifs, alors que depuis des mois, on n’entendait plus que de la musique en conserve, que même le Sud, avec ses Carnavals brutalement interrompus, était lugubre, le baryton Richard Rittelmann, dans un château, près de Grasse, a donné un concert en chair et en os. C’était le premier que j’entendais depuis 5 mois.
Lorsque l’auteur de « La Boum» publie « Nice-Ville », il nous convie à une promenade dans une ville qui lui est familière, feuillette pour nous un album de cartes-postales anciennes qu’on regarde avec nostalgie, nous fait rencontrer une galerie de personnages, illustres ou inconnus, passés et actuels. Si par-dessus son épaule, il nous permet de lire des articles parus dans divers journaux, il partage aussi ses découvertes gastronomiques et touristiques le long d’un parcours tendre et amoureux, divers et multiple, qui culmine dans le prénom aimé, celui de l’écrivain qui est sa femme, Anne-Sophie, la mère de Yannis : « Nous sommes allés si souvent seuls à Nice sans nous connaître que marcher ensemble aujourd’hui dans la ville nous semble un miracle doux et silencieux ».
Le 23 octobre 2020, Roberto Alagna sort un CD : Le Chanteur ; un mois avant presque jour pour jour, Jacqueline Dauxois publie un roman : Le Mémorial des Anges oubliés. C’est un hasard, non pour le disque, enregistré cet été, qui paraît à la date prévue, mais le livre, retardé de six mois par la fermeture des librairies pendant le confinement du Covid-19, aurait pu être en librairie n’importe quand. Or, il paraît à la rentrée, précédant le disque de peu.
En cette année d’un désastre culturel sans précédent, beaucoup de livres, retardés pendant des mois par la fermeture des librairies, paraissent enfin.
C’est facile, avec les techniques d’aujourd’hui, d’imprimer un texte rapidement. Mais tous ces opéras annulés depuis des mois, quand les verra-t-on? Ces machines opératiques formidables, quand pourront-elles se remettre en marche? Est-ce qu’on entendra Fedora, que Roberto devait chanter pour la première fois en juin, à la Scala, cette prise de rôle tant attendue, qui aurait été l’événement de l’année comme celle d’Andrea Chénier l’avait été l’année dernière au Royal Opera House?
Roberto Alagna en Andrea Chenier, Londres, ROH, 2019
Elle l’appelait une « novelette », un petit roman. Il date de sa jeunesse, l’époque où les enfants Brontë créaient des mondes imaginaires pour échapper à l’étouffement du presbytère de Haworth et au vide causé par la mort de leur mère. Ce qui les reliait au monde, c’étaient les journaux et les livres, leurs lecteurs aussi, ils étaient fous de Lord Byron.
Ci-dessus : The Duke of Zamorna (détail) par Charlotte Brontë.
Depuis vingt ans, son violon enchante le Parvis, mais peut-être n’a-t-il pas connu le décor des origines car, après avoir descendu l’escalier au flanc de la basilique de l’Archange saint-Michel, lorsqu’il s’est retourné vers la façade des Pénitents, le 5 aout 2020, il a eu une exclamation d’heureuse surprise : les échafaudages qui, d’habitude, occultent la vue, avaient disparu. Il a souri.
Au clavecin et à l’orgue, William Christie dirige les musiciens, Menton le 8 août 2020.
Dans une chronologie inversée, après les flamboiements romantiques du piano de Bertrand Chamayou et du violon de Renaud Capuçon (avec Kit Armstrong au piano) , William Christie et les Arts Florissants révèlent un univers de réserve et d’intériorité.
Le 5 août 2020, le Parvis attend Renaud Capuçon et le pianiste compositeur américain, Kit Armstrong – et avec quelle impatience en cette année Covid!- pour enfin célébrer l’année Beethoven.