Roberto Alagna et Marie-Nicole Lemieux, les deux concerts Samson au TCE, 12 et 15 juin 2018

SAMSON ET DALILA

Les deux concerts au TCE

Le 12 et le 15 juin 2018

Entré en scène chaque soir avant son premier air, Roberto Alagna prend le temps de faire exister Samson dans la tristesse et le désarroi qui l’étreignent en écoutant les lamentations d’Israël qu’il interrompt d’un cri lorsqu’ils deviennent blasphématoires. Trois mots, lancés avec la vaillance héroïque d’une voix à la jeunesse ardente et lumineuse : « Arrêtez, ô mes frères » et Samson, prophète guerrier, est là, porté par une flamme inspirée et mystique. Rien ne semble pouvoir arrêter un héros qui, depuis trois mille ans, habite nos mémoires, pour lequel Saint-Saëns a écrit quelques-unes des plus belles pages de la musique française. Lire la suite

Alagna concert Caruso au TCE ou Alagna Caruso c’est quoi ?

Ci-dessus : Roberto Alagna, concert Caruso, le 6 février 2020.

Deux concerts au Théâtre des Champs-Elysées, le 15 juin 2009 et le 6 février 2020, et un CD publié en 2019, défi au temps et à la mort, concrétisent de manière charnelle l’impossible rencontre de deux ténors de légende séparés par l’abîme d’un siècle.

Sans qu’aucun d’eux n’en soit informé, le second n’étant pas né encore, leur histoire commence la nuit où, devant le Metropolitan, Caruso, debout sur sa voiture, a chanté le Lamento de Mario pour ses fans qui n’avaient pas trouvé de place. Dans cette foule qui acclamait le plus grand ténor du monde, il y avait Antonietta et Jimmy, son mari, deux Siciliens de New York, les arrière grands-parents d’un bébé qu’on baptiserait Roberto lorsqu’il viendrait au monde dans la famille Alagna.

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Le Requiem de Verdi, traduction, analyse et interprétation du 27 septembre 2019, à la Philharmonie de Varsovie

Roberto Alagna, répétition du 25 septembre 2019.

Introduction

 LETTRE DE VARSOVIE

Dans le vol Paris-Varsovie, j’ai traduit le Requiem de Verdi, dans lequel je n’arrivais pas à entrer ; c’est si sensible un mot, peut-être que chacun a besoin des siens sur ce type de texte. La traduction littérale est obscure, qu’est-ce que ça veut dire : « que le porte-étendard saint Michel les introduise dans ta sainte lumière »? Il y a un risque d’obscurité dans ce cas. Il est exact d’évoquer la lumière éternelle, mais c’est une expression abstraite, au contraire, en évoquant une lumière sans déclin, vous avez beau être prévenu puisque « sans » précède « déclin », vous le voyez et il vous illumine, ce soleil d’or rouge qui, au lieu de disparaître derrière l’horizon que vous aimez, reste suspendu au milieu de la voûte céleste pour ne plus jamais se coucher. Donc il y a des passages à éclaircir, des choix à faire et même des ajouts. Traduire Marie, sans ajouter Madeleine, alors qu’il est question de la pécheresse, induit d’autant plus en erreur que Verdi fait entendre des accents d’Ave Maria à ce moment. Cela fait, il reste des expressions rebelles à toute traduction, même s’il existe des traductions. La cadence royale des jumeaux grecs : « Kyrie eleison » et « Christe eleison », sonne avec tant de grandeur qu’on les comprend mieux et avec une autre intelligence si on leur épargne la platitude du Seigneur prends pitié. Traduit-on de l’hébreu « amen » et « hosanna » ?

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« Crucifix » et Résurrection, Pâques covid, Pâques carillonnées

Samedi 11 avril 2020

Pâques approche, Pâques est là.
Qui va carillonner les cloches ?

VENDREDI SAINT
« CRUCIFIX »

Ci-dessus : dessin de Victor Hugo avec un crucifix.

Le Vendredi saint, les cloches se taisent pendant les trois jours de l’ensevelissement du Christ pour s’ébranler à toute volée au matin de Pâques.
Il y a trois générations, dans cette ville presque italienne et entièrement confinée, le Vendredi saint, vous n’aviez pas un magasin ouvert. On racontait aux enfants que les cloches ne sonnaient plus jusqu’à Pâques parce qu’elle étaient parties à Rome. Ce qu’elles allaient faire à Rome, les petits, qui n’en savaient rien, écarquillaient les yeux. Les parents racontaient qu’elles allaient à Rome se faire bénir et qu’au retour, elles apporteraient des œufs en chocolat.

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Roberto Alagna et les 300 choeurs – Réveillon 2020

Le 24 décembre 2020 sur FR3.

Il n’a pas changé.
Grand-père, lui ? Puisqu’il le dit ! Et que ça lui va bien d’avoir des enfants accrochés à son cou ! Mais je vois aussi, en lui, et peut-être surtout, le regard d’un enfant génial qui depuis des dizaines d’années qu’il occupe le firmament, met en transes ceux du sérail. Provocation ? Pas sûr !

C’est le soir du Réveillon de cette année entre toutes sinistres, 2020, qui a vu la mondialisation d’un virus, fait unique dans l’histoire ressassent ceux (ils sont nombreux, mamma mia !) qui ne connaissent rien à l’Histoire, unique en tout cas pour notre histoire à nous qui la vivons en direct et petit écran. C’est le Réveillon de Noël.
Pour ceux qui fuient la messe de minuit avec masque et tutti quanti, France 3 organise une soirée dont il est l’étoile. Et le voilà sur ce plateau des 300 chœurs (un peu exagéré le titre, c’est la pub qui veut ça). Comme le soir tout récent de la Scala (7 décembre, l’ouverture d’une saison cette année vide souvenez-vous), on l’attendu longtemps trépignant de ne pas l’entendre chanter, lui, tout ce qui vient avant, mais bon c’est la règle du jeu.

Et donc, il vient enfin avec « Le Chanteur » (Serge Lama et Alice Dona), qui a donné son titre à son récent CD (Sony) et puis, Vincent Niclo, chanteur lui-même et meneur de jeu, lui demande de le rejoindre, bien entendu, et de chanter encore, évidemment ; et lui, il n’attaque pas du tout : « Nesssun Dorma » ou « Minuit, Chrétiens » airs de circonstance dignes de notre tenorissimo selon les puristes, mais sa chanson à lui : « Gentil Père Noël », dont il a écrit texte et paroles, sachant très bien qu’il va provoquer les clameurs du Landerneau des gens comme il faut, dont certains ont tiré que « ça fout les boules » d’entendre ça, il le sait, d’où le regard sourire qui se promène des yeux aux lèvres, sur lui. Les yeux pétillent, mais le sourire est doux, si doux, avec en-dessous quelque chose d’indéfinissable, qui le définit, lui, si bien, oh combien ! Et moi, j’aurai toujours dans les oreilles sa réponse un jour , il y a longtemps, où je lui demandais pourquoi il prenait le risque des chansons en extérieur sur des scènes géantes, lui avec ses intonations d’enfant tout étonné par ma question (idiote):
« Mais parce que j’aime ça ! »

Sur le plateau du Réveillon Covid 2020, c’était certain, il aimait ça.

Nous aussi, qui point ne sommes distingués musicologues.

© Jacqueline Dauxois

Première planétaire : « Concert À la Maison  » et « Elisir d’Amore »

PLUIE D’ÉTOILES DANS UN MONDE CONFINÉ

Le 25 avril 2020, le Met organise un Gala « À la Maison » (1).
Pour un spectacle comme on n’en a jamais vu, dans une situation que le monde n’avait jamais connue, Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak ont choisi de donner une coupe de l’Elisir d’Amore et ce n’est pas du bordeaux mais du champagne.

Il va pleuvoir des étoiles toute la nuit.
Quarante chanteurs, que personne n’aurait jamais pu rassembler sur une scène, chacun cloitré dans sa maison, donnent un concert à toute la terre ! Comme c’est sans prix, le Met l’offre pour rien.

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Chorégies d’Orange 2020, une « nuit magique » à la gloire de Roberto Alagna

Concert Covid aux Chorégies d’Orange, « nuit magique ».
Spectacle diffusé le 1° août 2020 par la 5.

« L’art ne s’arrête pas, on ne peut pas arrêter la musique. »
Roberto Alagna.

LUI : LES LARMES DES ÉCRANS

La « nuit magique » des Chorégies d’Orange, version Codid-19 de l’an 2020 a été conçue à la gloire de Roberto Alagna. On y voit, intégré au montage final, en plus des airs enregistrés pour la retransmission du 1° août, une projection de son Recitar (extrait de l’opéra complet Pagliacci donné avec Cavaleria Rusticana) et O souverain, extrait d’un concert, car il n’a pas chanté Le Cid en entier à Orange.
Le spectacle, à l’intérieur duquel il a construit le sien, avec Aleksandra Kurzak, a été enregistré dans un hémicycle désert. En deux arias et un duos, il illustre ce qu’il a dit un moment plus tôt :
«  L’art ne s’arrête pas, on ne peut pas arrêter la musique ».

Avec Roberto Alagna, « A Riveder le Stelle », ouverture de La Scala, le 7 décembre 2020

En cette année covid-2020, sinistre pour les arts, la Scala n’a pas renoncé à sa traditonnelle ouverture du 7 décembre. Elle a offert un spectacle sans public d’une exceptionnelle beauté. Davide Livermore y avait mis son génie de la mise en scène, son imagination, sa culture, son amour pour les chanteurs et son goût de la perfection. Il a réussi un pari qui semble impossible impossible : un spectacle complet qui réunissait les plus grands chanteurs, les meilleurs danseurs, des textes littéraires (dont un extrait de« Phèdre »), des entretiens, mené avec brio, où le rythme pas un instant ne faiblit. 

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Roberto Alagna « Le Chanteur », CD

« Le Chanteur », c’est le titre du disque de Roberto Alagna, sorti le 23 octobre 2020. C’est celui d’une chanson de Serge Lama et Alice Dona, avec laquelle le ténor commence le CD (Sony) qu’il consacre à quinze titres de la chanson française.

Sur ce montage, qui n’est pas la couverture du disque, la carte de France, à l’encre de Chine, est le travail d’un jeune dessinateur, Pablo Raison, en 2019.
J’ai pris la photo de Roberto Alagna à Monte-Carlo, pendant une répétition de « Luisa Miller » (voir l’article sur le site).



Bien qu’il soit aussi un autre (sinon plusieurs autres), le chanteur de la chanson, c’est lui. Il lui ressemble. Ses fans rêvent de lui : « Il nous fait croire un moment /Qu’il est devenu notre amant ». Ils sont venus de partout, décidés à l’entendre quoi qu’il en coûte, résignés à l’attendre des heures « les deux pieds dans la boue », consentant même à ne voir qu’un petit morceau de lui, s’ils doivent se contenter des mauvaises places lorsque les bonnes sont déjà prises : « on en verra que la moitié/ Mais la moitié qu’on verra/ On s’en contentera », entretenant le rêve fou que leur idole : « Nous emportera chez lui/Pour effeuiller nos mémoires,/ Nos visages d’un soir ».

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