Avec Roberto Alagna : Amour sacré amour profane dans « Lohengrin », le 13 décembre 2020

« DIEU EST AMOUR »

Le Lohengrin de Roberto Alagna, c’est celui de Wagner, celui qu’on attend. Il dit de son personnage :
« Dieu est amour. Lohengrin c’est l’amour pur : il vient apporter le bonheur, la paix, la foi. Même trahi, il ne se fâche jamais. Il part, il laisse ce message : ‘Gardez la foi, même dans les moments difficiles, les moments de doute’, – comme ceux que nous vivons actuellement. »
Dans une production qui peut se contester, il incarne son héros venu de Monsalvat avec son cygne pour sauver Elsa et son peuple et qui, trahi, n’ayant fait que le bien sur terre, repart pour un monde où la trahison n’existe pas.

Alors que deux mises en images semblent vouloir se juxtaposer il y a deux moments où les deux conceptions de l’œuvre coïncident, alors la beauté des images renforce le grand thème la trahison, en illustrant l’amour sacré et l’amour profane.

DEUX IMAGES : LE VOILE ET LA CHEMISE

Pendant le duo d’amour Lohengrin soulève vers le Ciel le voile d’Elsa semblant déjà (avant la trahison) vouloir repartir dans le monde du Graal d’où il vient ; l’autre après la trahison, où il retire sa chemise.

L’instant où il enlève sa chemise, les bras écartés encore entravés par les manches, la tête en arrière, est si étonnant qu’il n’a été montrée par personne, il me semble, par moi non plus jusqu’à maintenant. On a tous choisi ce qui se passe juste après, lorsqu’il ramène le tissu sur sa poitrine. Pourquoi ? Ce n’est pas de la pudeur, à une époque où tout a été montré. Alors, qu’est-ce que c’est ? Que se passe-t-il à cette seconde-là ?
C’est l’instant où se mélangent une approche charnelle (que la beauté sculpturale de ce torse d’homme rend sensuelle) alors que l’expression du visage échappe dans un autre univers qui n’est plus celui de la chair. À la fois sensuelle et christique, bien que fugace, l’image est alors réellement troublante – un instant plus tard, Lohengrin embrasse sa chemise, comme un prêtre son étole durant la messe, l’impact charnel/divin est désamorcé, on entre dans le religieux, le sacré, on a quitté l’Incarnation du Dieu fait homme.

On pourrait imaginer que Lohengrin se désincarne lorsqu’il annonce son retour à Monsalvat, c’est justement le contraire. Il s’est désincarné avant, dans le duo où il semble s’envoler à la poursuite du voile, à la fin, lorsqu’il retire sa chemise devant Elsa et la Cour rassemblée, il s’incarne avec force, c’est la logique chrétienne : ce n’est pas un esprit dématérialisé, mais le Christ ressuscité dans sa chair qui est monté au Ciel. C’est à cause de l’Incarnation qu’avant de s’en aller, Lohengrin défait l’enchantement qui emprisonnait l’héritier du Brabant sous l’apparence d’un cygne et lui rend sa chair d’homme. Il part, mais laisse derrière lui la vérité et non plus les mirages, il part laissant l’espoir…

Images capturées, tirées de l’enregistrement du 13 décembre 2020 au Staatsoper Unter den Linden de Berlin qui a donné le spectacle devant une salle vide (deuxième confinement Covid-19).
Roberto Alagna chantait « Lohengrin » pour la première fois, ayant subi 14 tests en 20 jours.

Voir aussi sur Lohengrin :

https://www.jacquelinedauxois.fr/2020/12/14/le-premier-pour-le-moment-lunique-lohengrin-dalagna/(ouvre un nouvel onglet)

© jacqueline dauxois

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