Festival de Saint-Denis: Alagna, répétition du 8/6/2021

Tout le monde en conviendra dans dix ans : nous allons vivre tout à l’heure un moment aussi fort pour l’histoire de Roberto Alagna que sa Marseillaise sur les Champs-Elysées.

Mais retournons deux jours en arrière, le 8 juin 2021, dans les coulisses et la basilique cathédrale de Saint-Denis.

Deux répétitions : « 19-20 h répétition piano avec le chef (Basilique) ; 20h30-23 h répétition avec orchestre (Basilique) ». La répétition piano a lieu dans le couloir près de sa loge (tout démontable). Le chef, c’est David Guimenez à la tête de l’orchestre national d’Ile-de-France
Tout le monde a fait un test antigénique il y a moins de 48h et porte un masque FFP2.

Lui aussi.
Mais lui, il chante avec. Quand il le soulève pour boire, il dit que c’est difficile de chanter avec un masque, mais il sourit. Il a raison, masque ou pas, on comprend chaque mot, mais alors qu’ils rendent la respiration difficile à qui n’a pas besoin de parler, on imagine la puissance qu’il déploie là-dessous pour arriver au même résultat que s’il n’en portait pas. Démosthène le Bègue se mettait des cailloux dans la bouche pour améliorer sa diction, Alagna chante le nez et la bouche couverts d’un masque suffocant. Que de folies on commet en ton nom, articulation ! Sans compter que Démosthène crachait ses cailloux quand il en avait assez et qu’Alagna ne peut pas.

Dès qu’il a terminé au piano et entre dans sa loge avec une journaliste, même dans la cathédrale, il donne des entretiens, masqué toujours, le regard éclatant dans l’ombre. Non, il ne peut pas se reposer, mais il n’en a pas besoin, ce qu’il lui faut, c’est revivre. Et sa vie, c’est ça, exactement ça, l’évidence en éclate à chaque minute, dans ses regards au-dessus du masque, dans tout son visage, quand il l’enlève sur le plateau, scintillant de cette jeunesse qui n’appartient qu’à lui où affleure la profondeur d’une joie qui irradie de lui.

Ce soir de répétitions, dans cette basilique, c’est le jour qui se lève puisque Roberto Alagna est un phénix renaissant après 15 mois de sommeil artificiel, il sera « lessivé » tout à l’heure, mais là, maintenant, rien ne peut entamer ses forces. Ce n’est pas que la presse lui a manqué pendant 15 mois ; les journalistes les plus connus étaient à ses basques, mais là, maintenant, alors qu’il prépare son premier concert public depuis 15 mois, il ne peut pas connaître la fatigue, se reposer l’épuiserait. Il retrouve dans ce qui est normal pour lui, qui le ressuscite et démolirait un autre que lui.

Il chante comme au premier jour de sa vie et la répétition est une naissance qui a la perfection d’un achèvement.

Que son retour à la vie avec nous, son public, ait lieu dans la cathédrale basilique de Saint-Denis, haut lieu de l’Histoire de la France chrétienne ne peut pas être un hasard.

© jacqueline dauxois

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