Mon Dictionnaire Intime : Roberto Alagna écrivain, signature à la librairie « Ici »


La veille, il a donné son huitième Otello à l’Opéra de Paris, le dernier d’une série de huit commencée le 4 mars. (1)

Le lendemain, le 30, à cinq heures trente, au 25 boulevard Poissonnière, il boit un café devant la librairie « Ici », tout près de l’Opéra Comique où, il y a trente ans, il triomphait dans Roméo et Juliette et pas bien loin non plus du Palais Garnier, où il était Rodrigue il n’y a pas si longtemps.
Le café terminé, les libraires lui font traverser jusqu’au fond et descendre un escalier.
En bas, autour du noyau de ses fidèles, la salle est pleine.


Il n’y a rien pourtant ici pour accueillir un chanteur.
Rien que des livres.
On dirait qu’un écrivain vient signer.

Roberto Alagna avec un petit chien (pas
celui de l’Elisir d’Amore) venu lui donner
un coup de main.


En effet, il y en a un qui vient, un grand. C’est lui. Il a écrit un livre qui lui ressemble, qui, à la fois, vous transporte et vous décourage, vous vous dites qu’après, il n’y a plus une ligne à écrire sur lui, mais vous vous dites aussi que si, vous, vous faites ce métier c’est parce qu’on y rencontre des auteurs comme lui, du coup, quelle fierté, il vous fait peut-être tomber votre clavier des mains, mais il y a deux auteurs aujourd’hui dans la salle et l’un des deux, c’est vous.

Roberto Alagna et Jacqueline Dauxois dans la loge d’Otello, Opéra de Paris, 2019.

L’histoire n’est pas finie.

Il y a quelqu’un d’autre de particulier dans la salle, un de ses camarades dans Otello, Alessandro Liberatore, qui interprète Roderigo. Ce n’est pas un bien grand rôle mais il dit, ses partenaires le disent tous, que pour chanter avec Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak, ils acceptent de petits rôles. Alessandro, pour le moment, ne bouge pas.
La librairie a promis une rencontre avec Roberto Alagna et c’est une vraie rencontre en effet.

Comme sur scène, il donne tout là aussi. Il parle de son livre, de son art. Il est un orateur passionnant parce qu’il n’est pas un orateur, même si vous dormez aux conférences et si vous n’y allez plus jamais sauf à celles que vous faites vous-même en espérant n’y pas dormir, quand vous l’écoutez vous êtes emporté, rien n’est fabriqué, la parole se fait source, on l’écouterait sans fin parce qu’elle a la même grâce que lui, tout ça est une même chose, il est un créateur dans toutes ses fibres, quoi qu’il fasse. Il serait un peintre parmi les plus grands, s’il avait résolu d’être peintre.

Roberto Alagna avec Alessandro Liberatore.

Donc, il a parlé, ensuite, il y a eu des questions. Debout contre sa colonne, il y avait toujours Alessandro. Il a demandé la parole et lui parlé en italien de la beauté de ce qu’il faisait sur scène. Une amie de Roberto a traduit. Roberto, qui n’avait pas besoin de traduction, a répondu en disant ce qui pouvait toucher davantage son partenaire, il lui a parlé d’un regard en scène qui lui donnait le frisson, il a montré ses bras en disant qu’il avait encore ce frisson, rien que d’y penser.

Comme toujours, il est resté le dernier, signant encore, répondant encore alors que les libraires avaient déjà empilé les chaises.


© texte et photos Jacqueline Dauxois

(1) Pour remplacer un ténor défaillant, il chantera un neuvième Otello, le 4 avril.
(2) En préparation, un article sur Mon dictionnaire intime de Roberto Alagna.

Une réflexion sur “Mon Dictionnaire Intime : Roberto Alagna écrivain, signature à la librairie « Ici »

  1. Bonjour Jacqueline Dauxois ,
    Comme toujours, un article des plus intéressants que je m’empresse d’imprimer !!!!
    Et un de plus à ma collection sur Roberto Alagna puisque grâce à vous , je me fais des dossiers sur chacun des opéras joués par notre ami !
    Celà commence par le livret, puis vos articles correspondants et je termine par les …critiques !!!
    Merci à vous de me permettre de vivre ma passion à ma …façon !
    Amicalement.
    Gina

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