Dans un mois jour pour jour, le 8 novembre 2019, paraît chez Sony un album de Roberto Alagna : Caruso 1873.

À gauche, Alagna, à droite Caruso.
Dans un mois jour pour jour, le 8 novembre 2019, paraît chez Sony un album de Roberto Alagna : Caruso 1873.
À ceux qui me reprochent, avec raison, d’aimer tous les spectacles, parce que je ne le publie pas quand je pars à l’entracte – et je n’ai pas de billets gratuits !
DU CHÂTELET À L’OPÉRA DE PARIS LE DON CARLOS DE ROBERTO ALAGNA
ACTE 1
Théâtre du Châtelet, le 26 février 1996.
Mise en scène de Luc Bondy.
Le rideau se lève sur la nuit de Fontainebleau. Du fond du plateau, seul à travers des troncs nus et givrés, dans l’éclairage irréel que crée la neige amoncelée qui continue de tomber des cintres, habillé d’une cape et de bottes écarlates, s’avance l’infant d’Espagne. Alors qu’il célèbre la beauté de la forêt, de la première étoile et rêve à sa fiancée qu’il n’a encore jamais vue, elle, perdue comme lui, portée vers lui par une Providence dont il est impossible de douter dans ce décor enchanté, soudain est devant lui, dans une longue robe, rouge aussi. Émerveillés l’un par l’autre, les fiancés royaux se découvrent en s’aimant : un mariage obligé devient un lien d’amour.
Ils sont en pleine extase lorsqu’un revirement d’alliances les précipite dans le désastre : c’est l’empereur Philippe II, le père de l’infant, qui épouse Élisabeth de Valois, la fiancée de l’infant.
C’est La Bohème à ne pas manquer, si on n’assiste qu’à une seule dans toute sa vie, c’est celle de janvier 2020 qu’il faut voir, au Metropolitan Opera de New York, avec Roberto Alagna.
Parce que Roberto Alagna.
LES TROIS CALAF DE ROBERTO ALAGNA
De Caruso à Puccini
Il était Caruso au Théâtre des Champs-Elysées à Paris il y a trois semaines à peine. On s’imaginait le retrouver en Calaf à Vienne. C’est Puccini qui surgit sur les planches du Staatsoper (1). Héros de la double incarnation de cette Turandot, Roberto Alagna n’en est que plus troublant quand il retrouve, dans un miroir qui renvoie de l’image du compositeur à celle de l’interprète, au Prince Inconnu de la légende chinoise.
Lire la suiteParis, 2017.
DANS LE MONDE CONFINÉ, LA MUSIQUE LIBÉRÉE
À la suite de la Corée du Sud, qui avait refusé le confinement, l’Angleterre et les Pays-Bas le refusent à leur tour tandis qu’en France les mesures se durcissent.
Hier, dimanche 23 mars 2021, sur la Côte, où on a instauré un couvre-feu, un drone surveille la Promenade des Anglais, tandis qu’à Montmartre des policiers à cheval arpentent le marché de la rue des Abbesses. Nous sommes les habitants de villes mortes plongées dans le silence.
Mais le soir, dans le XIème, où vécut Georges Thill, un ténor ouvre ses fenêtres et chante pour ses voisins et des orchestres utilisent le système des vidéos conférences pour continuer de jouer.
Roberto Alagna en don Carlo, Metropolitan, 2010.
Le 2 avril 2020, à 7 h 30 pm, les écrans qui attendaient la retransmission du Metropolitan ont paniqué. Ils espéraient le Don Carlos de Roberto Alagna dans la mise en scène de Nicholas Hytner (2010), on leur montrait Nixon in China avec une obstination d’autant plus vaine que ceux qui avaient voulu y assister s’étaient connectés la veille et que le 2, ceux qui espéraient Don Carlo quittaient en hâte ce Nixon-là, qui est très bon peut-être, je ne sais.
Lire la suiteMercredi 15 avril 2020
Les retransmissionsCovid du Metropolitan
Le 15 avril 2020, Le Metropolitan donne, en streaming gratuit, La Rondine. Depuis Don Carlo, où ils s’étaient affolés pour rien, les écrans ont compris qu’on avait juste oublié de leur préciser que 7h30, c’était l’heure de New York – en France, 3h du matin.
Sans la présence de Roberto Alagna, on se demande où le spectacle trouverait son éclat.
La captation, plus attirée par les fabuleuses coulisses du Met que par une transposition sans lyrisme et désordonnée du second Empire aux années folles, se laisse inspirer par le décor de la verrière du troisième acte et les deux duos de la fin où Roberto Alagna est prodigieux.
L’Hirondelle
La Rondine, c’est l’hirondelle. Il en existe trois versions, sa composition ayant été perturbée par la grande Guerre, la Première.
Ce n’est pas l’opéra le plus connu de Puccini. On lui fait des reproches, on l’accuse de légèreté, on le compare, on le dénigre, on prononce à mi-voix le mot d’opérette, mais cela peut-être très joli, une opérette, si elle est composée par Puccini ; et si Roberto Alagna prête ses traits et sa voix à Ruggero, cela devient si beau et déchirant que le dernier duo est un bond dans la tragédie.
CARMEN À LA FOLIE
Le 16 mars 2020, le Metropolitan a démarré sa série de retransmissions gratuites de l’un des opéras les plus célèbres au monde dans une interprétation légendaire de Roberto Alagna et Elīna Garanča, époustouflants dans la mise en scène de sir Richard Eyre, enregistrée le 16 janvier 2010.
Selon le rite du Met, qui change sa rediffusion chaque jour, cette Carmen a été visible pendant 20 heures d’affilée.
Le 6 mai 2020, le Met a doublé les séances de rediffusion en donnant Madama Butterfly (enregistré le 2 avril 2016) avec Roberto Alagna et Kristine Opolais (sa partenaire aussi dans Manon Lescaut). Destiné aux étudiants, aux professeurs et aux parents, le spectacle était précédé d’un entretien À la Maison avec Roberto Alagna, qui a répondu à des questions d’élèves. Ils ont eu de la chance, les petits Américains, de voir ce Pinkerton inégalable et d’entendre le ténor lui-même leur en parler (à retrouver sur YouTube).
C’est une illusion, mais c’est une illusion qui est véritable.
Roberto Alagna
Deux civilisations
Tout sépare Cio-Cio San, la petite Japonaise, orpheline de quinze ans, et Pinkerton, jeune officier de la marine américaine. Un entremetteur les réunit. Il leur organise un mariage à la japonaise, qui inquiète Sharpless, le consul américain, car ce qui est un jeu amoureux pour Pinkerton, représente le salut pour Cio-Cio San, dont le père a été contraint de se faire hara-kiri.
Lire la suite7 JUIN 2019 – 7 JUIN 2020
C’était il y a un an, le 7 juin 2019, Andrea Chénier soufflait les bougies d’anniversaire de Roberto Alagna, cela semble à des années lumières.
Aujourd’hui, comme tous ceux qui ont été happés par un art qui est devenu leur raison de vivre, le ténor se retrouve pire qu’enchaîné, bâillonné.
En scène.
Depuis trois mois on ne l’a pas vu, pas entendu. Il y a eu de petites distractions musicales, si ce n’est pas tout à fait rien, ce n’est pas grand chose. Mais l’art, dans sa grandeur, sa vérité et son mystère, l’art qu’on a vu culminer, il y a un an, avec Andrea Chenier, on ne l’a plus. Le manque est dramatique car nous sommes gavés de reproductions, mais c’est de l’art vivant que nous sommes privés, alors que l’année dernière, le 7 juin exactement…
C’était à Londres.
Le soir de son anniversaire, il a bouleversé l’interprétation traditionnelle et son Chénier transfiguré s’incarnait enfin tel que ne pouvait pas ne pas être le plus grand poète français de son temps, arbitrairement jeté en prison et guillotiné. Alagna a donné au chant du poète, dans sa dénonciation des crimes aveugles, sa passion d’amour, son défi à la mort, la force et la douceur qui sont sa marque. Qu’il ait connu par cœur la vie et l’œuvre de Chénier ou qu’il ait recrée le personnage de l’intérieur, il l’avait comme toujours abordé non pas en interprète mais en créateur pour en faire un flambeau de vérité.